Interview réalisée par O. R. Studio

Crédit photos : Marina Kudryashova

*Le 16 avril 2025, Marc-Emmanuel Zanoli, danseur du Ballet de l’Opéra National de Bordeaux, fera ses adieux à la scène.

Une interview a été réalisée à cette occasion, en amont de sa dernière représentation : Obsidian Tear de Wayne McGregor.*

Pouvez-vous nous parler de votre enfance et de la manière dont vous avez découvert le ballet ? Quelle influence votre famille, en particulier votre mère en tant que danseuse, a-t-elle eue sur votre parcours artistique ?

La danse a toujours été très présente dans la famille, en tout cas l'art et la culture, et donc très naturellement ma maman qui était professeur de danse classique et ancienne danseuse également, malgré elle m'a fait mon éducation pour cet art. Et très vite, je me suis retrouvé à intégrer ses classes. Comme j'avais une très bonne mémoire, elle m’apprenait les chorégraphies qu'elle faisait, dans la cuisine, c'était un tout petit espace, et après en studio elle me mettait devant, et comme ça, toutes les élèves derrière pouvaient me suivre. Et donc, moi, très vite, j'ai adoré parce qu'il y avait ce rapport à la scène, il y avait ce rapport à la musique qui m'a toujours porté, continue à me porter tous les jours.

Et en fin de compte, quand je pense à mon enfance et quand j'essaie de penser à la première image qui me vient de mon enfance, il y a toujours cette ombre de Terpsichore qui n'est jamais bien loin. Donc forcément, j'ai la sensation que ça fait partie de mon éducation, de mon ADN.

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En repensant à vos vingt années passées dans l’Opéra de Bordeaux, que représente cette période pour votre vie et quel impact a-t-elle eu sur vous ?

C'est énorme parce que j'intègre le ballet de l'Opéra National de Bordeaux en ne m'imaginant pas du tout que j'allais faire ma carrière entièrement ici. Je me suis dit : tu fais un an, deux ans voire trois ans maximum pour comprendre ce qui est la vie d'un ballet, l'expérience de prendre de la force, prendre de la maturité, parce que quand on sort de l'école ou du conservatoire, c'est un peu... on a envie de faire plein de choses et puis on a l'énergie pour ça, mais c'est une énergie qui se disperse un peu.

Et en fin de compte, c'est passé ce qui s'est passé, c'est-à-dire que les saisons ont filé. J'ai rencontré des chorégraphes, j'ai rencontré des rôles, j'ai rencontré des partenaires. Et les moments qui ont été plus compliqués au sein du ballet où j'ai vraiment pensé à quitter l'opéra, il y a eu quelque chose de la vie, je ne sais pas, un alignement des planètes qui ont fait que c'était impossible pour moi de partir. Soit j'allais passer une audition et, je me blessais quelques jours avant, donc impossible de présenter cette audition. Soit il y avait une grève Air France, donc j'étais bloqué à Bordeaux et, en fin de compte, tout de suite après, il y avait un chorégraphe qui arrivait et qui me redonnait confiance et qui me choisissait.

Donc, j'ai fait une carrière que je n'imaginais même pas à ma portée et j'en suis totalement épanoui. Les bons moments restent totalement, comme on dit, précieux.

Maintenant, les moments un petit peu compliqués, en fin de compte, grâce au temps, ce sont adoucis. Il y a toujours quelque chose de positif, même si sur le moment on voit une forme d'injustice ou de malhonnêteté.

Le fait de me retrouver intéressant et important, ce qui flatte toujours l'ego au regard d'un répétiteur, d'un chorégraphe ou même d'un partenaire ou d'une partenaire, ça vous permet de vous emporter et d'aller plus loin …

… de continuer à danser et à faire son métier. Je n'ai jamais eu de doute de ce côté-là en me disant que j'aimais trop la danse pour laisser tomber à cause d'une personne. Voilà.

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Quelles sont les rôles que vous considérez comme les plus significatifs dans votre carrière ? De quoi êtes-vous le plus fier dans votre parcours artistique ?

C'est toujours un peu compliqué de se dire j'ai eu un seul rôle ou deux rôles qui m'ont porté durant 20 ans. C'est plus le retour des autres qui me touche et qui me fait dire qu'en fin de compte j'ai réussi dans un parti pris d'interprétation ou d'exécution. Certains vont me dire voilà je pense à toi dans l'Annonciation, je pense à toi dans Don Quichote, je pense à toi dans Carabosse, je t'ai adoré dans Balanchine ou alors je t'ai adoré dans Caliban quand on a fait la Tempête de Mauricio Wainrot, et ça me touche beaucoup, ce regard de l'autre, voir que j'ai pu susciter une émotion, un intérêt, même pour une œuvre qui parfois pouvait sembler compliquée à la première lecture, et qu'en fin de compte, grâce à l'interprète, on arrive à attirer le spectateur vers nous.